Thomas d’Ansembourg: Lien humain et connaissance de soi

Mardi dernier, Thomas d'Ansembourg, ancien avocat et spécialiste de la communication non violente, a animé une masterclass passionnante sur le thème « Cessez d'être gentil, soyez vrai » à kwerk Madeleine en collaboration avec Begood.
 
Une invitation à désamorcer la mécanique de la violence relationnelle, là où elle s’enclenche toujours : dans la conscience et le cœur de chacun de nous.
 
Il a répondu à quelques questions pour kwerk.

Pouvez-vous nous dire pourquoi vous recommandez de privilégier le lien humain au résultat et ce qu'on peut attendre d'une attention portée au lien ?

Dans notre culture nous sommes très portés sur le résultat et attribuons peu d'attention, quand il y en a, au lien. Cela nous génère beaucoup de difficultés, de tension et de friction. L’une des devises de la communication non violente c'est justement l'inverse : c'est le lien d'abord et le résultat ensuite. Non que l'on se fiche du résultat, mais par expérience nous réalisons que lorsqu'on se concentre sur le résultat sans prendre soin du lien, le résultat n'est pas du tout aussi durable et aussi qualitatif que souhaité. Inversement, lorsque l'on se concentre sur le lien pour qu'il soit chaleureux, soutenant, fécond, agréable et sécurisant, le résultat s'ajuste presque automatiquement. Se concentrer sur le lien n’est pas une négligence du tout, c'est une attention portée au bon endroit : le lien d'abord le résultat ensuite. Et je peux affirmer en toute clarté, depuis 25 ans que je fais ce métier, que le retour sur investissement du temps consacré à créer du lien est extrêmement positif en termes de qualité et de durabilité de la relation.

Aujourd’hui, le cloisonnement vie professionnelle - vie privée n'existe presque plus avec le télétravail. Qu'est-ce que vous pourriez recommander comme « hygiène de conscience » comme vous l'appelez, pour préserver un bon équilibre entre ces deux sphères ?

Ma proposition de prendre régulièrement une douche psychique fait le parallèle avec l'hygiène physique que nous avons instaurée il n’y a pas si longtemps. Cela ne fait que 50 ou 60 ans qu’il y a des douches dans toutes les maisons, même au fond de la campagne. J’en sais quelque chose pour avoir grandi dans une campagne où il n’y avait pas de douche et pas de salle de bain. On se lavait dans une bassine d'eau chaude une fois par semaine dans la plupart des fermes et il n’y avait aucune hygiène buccale. Les gens s'habituaient à avoir des dents avariées très tôt malheureusement. Aujourd'hui j'ai gardé la maison familiale dans le village où j'ai grandi et tout le monde se brosse les dents évidemment.

Sur le plan psychique et psycho-spirituel, ces deux enjeux se conjuguent. Nous avons besoin de prendre une douche régulière pour nettoyer ce qui n'est pas vraiment nous : nos humeurs qui se sont accumulées, nos tensions, nos projections, nos interprétations. Nous avons besoin de faire le point avec la vraie personne que nous sommes derrière le personnage qui a pu être agacé, être dans l’émotivité, dans « l'action-réaction », dans la réactivité, dans des collisions ou encore des frictions d'ego. Nous avons besoin de nous recentrer dans la vraie personne que nous sommes, s'arrêter avec soi-même pour se comprendre.
 
La douche psychique consiste à se poser la petite question toute simple que l'on pose à bien d’autre personnes que soi -sans écouter la réponse d'ailleurs- et qui est « Comment ça va ? ». Je me la pose à moi-même, le premier humain dont j'ai la charge, et j'écoute la réponse.

Comment ça va d'abord dans l'agréable : Quels sont mes sentiments agréables ? Quels sont les besoins nourris en moi ? Les sentiments indiquent les besoins comme des signaux sur un tableau de bord indiquent des fonctions. Donc j'écoute les parties de moi qui vont bien pour les honorer, m’en enchanter et réaliser que ça re-aimante ma boussole dans le cas où j'étais un peu perdu.

Et puis je prends du temps pour écouter l'autre partie de moi : les sentiments désagréables qui renseignent des besoins en creux ou en manque. Comme sur un tableau de bord, certains signaux indiquent que des fonctions ne sont pas remplies et qu’il faut s'en occuper, comme la jauge à essence qui indique qu’on est sur la réserve et qu’il est temps de faire le plein. Donc écouter ses sentiments est extrêmement précieux et nous avons besoin de cesser de les juger négativement. Ils sont simplement en train de nous indiquer que des besoins peuvent être ancrés ou nourris et que notre discernement par rapport à eux va nous permettre d'orienter notre vie de plus en plus finement vers ce que nous aimons en quittant ou en transformant ce que nous n’aimons pas.
 
C'est ce que j'appelle une douche psychique, un exercice qui a un immense bénéfice sur la personne qui la prend et sur son entourage qui aura affaire à quelqu'un qui a une belle hygiène de conscience, exactement comme on est content d'être proche de quelqu'un qui se lave régulièrement et ne sens pas la transpiration. Cela va aussi avoir un impact sur le monde parce qu'une personne qui fait ce travail discerne plus clairement ce qu'elle a envie de vivre et comment le mettre au monde. Elle est donc plus solidaire et créative.

Quel conseil peut-on donner à un dirigeant ?

Peut-être simplement de réaliser ceci qui n'est pas qu'une boutade : si vous êtes fatigué vous êtes fatiguant, si vous êtes stressé vous êtes stressant, si vous êtes angoissé vous êtes angoissant et inversement si vous êtes enthousiaste vous êtes enthousiasmant, si vous êtes joyeux vous êtes réjouissant, si vous êtes motivé vous êtes motivant, si vous êtes inspiré vous êtes inspirant.

Ce n'est pas bénin que de s'asseoir avec vous-même pour vous poser la question que permet la douche psychique : « Comment ça va ? Comment je me sens ? ». Cela vous permet de rester aligné sur votre fil rouge, sur ce qui vous a fait créer une entreprise, avoir cette motivation, ce feu sacré qui vous a mis dans ce projet d'entreprise mais également d’accueillir les peines, les difficultés et les tensions de sorte à donner de la place, non pour s'en plaindre mais pour comprendre ce que cela dit de vous, et petit à petit sentir qu'il y a en vous une ressource derrière l'agitation émotionnelle. Le fait de l’entendre et de fréquenter régulièrement toutes ces parties de vous fera que ces ressources apparaitront de plus en plus clairement.

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